Vieillir face à la mort
C'était spécial aujourd'hui.
Je suis allé assister aux funérailles du frère d'un oncle aujourd'hui. Un gars dont je ne me rappelle pas avoir rencontré. J'y étais pour faire savoir à mon oncle que je pense à lui et que je partage sa peine.
Les funérailles étaient traditionnelles, dans la tradition catholique.
À la fin de la cérémonie, j'avais envie d'éclater en sanglots. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais si triste. Je ne connais pas beaucoup le gars en question, donc il y avait un certain "détachement", un genre de barrière d'inconu qui fait que j'aurais pu assister à la cérémonie et m'y recueillir un peu philosophiquement, avec un certain détachement.
Mais non, j'ai dû attendre que tout le monde sorte de l'église pour être capable de me contrôler.
En sortant, j'ai demandé à mes parents si en vieillissant, on devient "moumoune". Pourquoi donc avoir lutté si fort pour contrôler mes larmes?
J'ai compris en voyant tous ces gens, et en me rappelant les tristes événements qui ont eu lieu cette semaine au collège Dawson.
Quand mes grands-parents sont morts ainsi que ma tante (la soeur unique de mon père) sont morts, ma peine s'expliquait par deux raisons:
- la rage de ne pas avoir consacré davantage de temps à ces personnes chères... bien que je souhaite de tout mon coeur qu'elles savaient que je les aimais profondément, je me dis que j'aurais pu être plus disponible encore et les appeller plus souvent;
- la frustration de me faire à l'idée que je ne les reverrais plus.
Aujourd'hui, j'ai compris que la mort est la fin d'une période. Et que ce qui vient après, on en a aucune idée de ce que ça peut bien être.
Et j'en ai rien à foutre vraiment de ce que c'est. Le hic, c'est qu'on n'y va pas tous en même temps, et qu'on ne peut même pas aller voir comment nos bien aimés disparus se portent et de revenir. C'est hors de notre contrôle et seul le temps nous le fait réaliser en période de deuil.
Claude est parti, c'est ainsi. J'espère qu'il est bien où il est maintenant.
Comme je n'ai aucune idée de ce qui m'attend quand je serai mort, je me dis qu'il faut en profiter pour profiter du temps qu'on passe ici.
Faire ce que l'on aime, avoir des projets, aimer et supporter les gens qui nous entourent... c'est ça vivre. "Vivre ses rêves et non rêver sa vie", comme le dit le dicton.
Je m'excuse, je lance des idées sans aucune structure, comme elles me viennent spontanément.
Mais j'ai compris ce qui me rendait triste: c'était la douleur de la famille et des amis de Claude de savoir qu'ils ne le reverraient plus, qu'il ne serait que vivant dans leur mémoire. Et au moment où le cercueil passait devant moi pour sortir de l'église suivi du cortège des proches, j'ai vu mon oncle. J'ai pensé à la tuerie de Dawson, et me suis dit que la mort vient parfois nous chercher sans qu'on s'y attende, sans qu'on y soit préparé, sans qu'on ait fait la paix avec des personnes qu'on aime. Et en même temps où mes yeux s'humidifiaient au regard de mon oncle suivant le cercueuil de son frère, j'ai pensé que ça aurait pu être moi qui suivrait le cercueuil de ma soeur. Mon rythme cardiaque s'est accéléré, j'ai sué, j'étais mal.
J'ai saisi à ce moment bien précis l'absence de contrôle sur les hasards de la vie et de la mort. Tout ce qui est en mon contrôle, c'est d'être là pour les gens qui comptent vraiment. Je ne peux que faire de mon mieux du temps qui m'est donné pour être en paix et témoigner mon amour à mes proches. J'ai honte d'avoir été secoué par le choc de m'imaginer à la place de mon oncle pour en tirer cette leçon qui semble si évidente. Mais je trouve un peu de réconfort en me disant qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Merci à mes proches d'être là. Merci Claude pour cette belle leçon.